Le vélo et le cyclisme : dopage mécanique – Entretien d’Éric Boyer avec le Télégramme

10 février 2016

LE VÉLO ET LE CYCLISME

Beaucoup d’entre nous ont eu l’occasion de pratiquer le vélo, en amateur, disons en cyclo randonneur ou d’autres en compétition locale, régionale voire nationale.

L’affaire Festina et tout ce qui a pu suivre comme l’affaire Armstrong indique que certains ont recours à des pratiques pour améliorer leurs performances. Il y a quelques années, les accélérations fulgurantes des certains coureurs, ne faisant pas monter leur fréquence cardiaque, a jeter la suspicion sur un dopage mécanique possible. La chute d’un coureur lors d’une compétition où l’on voit la roue arrière qui tourne toujours, le coureur s’empressant de l’arrêter en vain. Des accélérations en montage par des braquets insensés. Tout cela c’est incroyable. Mais voilà lors des championnats du monde de cyclo-cross une professionnelle belge se fait prendre avec un vélo munie d’un système électrique.

Éric Boyer, coureur professionnel de 1985 à 1995 et manager général de l’équipe Cofidis durant des années livre ici ses impressions sur le sujet et répond aux questions du journal « Le Télégramme ». Beaucoup d’entre vous ne manqueront pas d’y mettre des commentaires !

Voir l’article sur :

http://www.letelegramme.fr/cyclisme/eric-boyer-le-velo-est-en-danger-de-mort-10-02-2016-10952512.php?xtor=EPR-3-[quotidienne]-20160210-[article]&utm_source=newsletter-quotidienne&utm_medium=e-mail&utm_campaign=newsletter-quotidienne

boyer

Le télégramme : Éric Boyer, quelle a été votre réaction quand vous avez appris qu’un « moteur caché » avait été découvert dans le vélo d’une concurrente aux Mondiaux de Zolder ?

Éric Boyer : Je me doutais qu’à partir du moment où cettetechnologie existait, quelqu’un allait finir par se faire prendre. Bon, je n’avais pas imaginé que cela allait tomber sur cette jeune cycliste belge… Depuis que l’affaire est sortie, on a également appris que la technologie de la pauvre Belge était déjà obsolète. Ce que je déplore, c’est que les doutes de 2010 n’ont pas permis à l’Union Cycliste Internationale (UCI) d’endiguer ce fléau. Rien ou presque n’a été fait. Six  ans après, on en est là…

Le télégramme : À quand remontent vos doutes sur l’utilisation de vélo à moteur ?

Éric Boyer : Il y a eu des bruits… Il y a eu les suspicions autour de Cancellara et de ses accélérations foudroyantes. Je me souviens aussi qu’aux JO de Londres, on entendait que les roues de certains pistards étaient cachées après utilisation. Rétroactivement, on a également évoqué les accélérations de Froome dans le Ventoux en 2013, de Contador sur le dernier Tour d’Italie mais ça n’est jamais allé plus loin. Malheureusement, on ne retient pas grand-chose de l’histoire…

Le télégramme : Que voulez-vous dire ?

Éric Boyer : Les rumeurs et les interrogations sur cette nouvelle technologie me rappellent étrangement les rumeurs et les interrogations que l’on avait sur trois lettres, EPO, à partir de 1989. E.P.O (il répète en détachant les lettres). Ça a commencé comme ça avec l’érythropoïétine. J’étais coureur, je n’y croyais pas. Souvenez-vous, il y a d’abord eu des rumeurs, des interrogations, des informations et pendant cinq ou six ans, ça a été l’omerta, personne ne voulait en parler. On a laissé faire, ça s’est installé et on a vu ce qui s’est passé en 1998 avec l’affaire Festina. J’ai l’impression que l’histoire se répète. On a des infos, on laisse faire… C’est d’abord trois coureurs, l’année d’après, c’est dix et ensuite, c’est vingt… Comme pour l’EPO. Si l’UCI n’a pas encore compris qu’il y a urgence…

Le télégramme : Selon vous, le cyclisme est au bord d’un scandale aussi retentissant qu’en 1998 ?

Éric Boyer : Oui. Si l’UCI n’agit pas rapidement et en employant la manière forte, on est à l’aube d’un immense scandale qui risque de tout emporter. J’espère que le cas de la concurrente belge va faire peur à tout le monde.

Le télégramme : C’est tout de même incroyable qu’après avoir surmonté le pire scandale de son histoire, le cyclisme en soit arrivé à parler de moteurs…

Éric Boyer : C’est fou, complément fou… Je n’imaginais pas dans le cerveau d’un cycliste, d’un dirigeant, qu’il y ait l’idée d’avoir recours à une assistance électrique. C’est peut-être la société quiest devenue ainsi, finalement. On est prêt à  tout pour exister, pour être célèbre, pourgagner de l’argent. C’est un truc qui me dépasse.

Le télégramme : Vous dites que la technologie utilisée par la demoiselle belge est déjà dépassée…

Éric Boyer : Les tricheurs sont déjà passés à la vitesse supérieure. L’an dernier, j’ai reçu des photos sur mon ordinateur démontrant que certains possédaient une technologie avant-gardiste. Pour être clair, le système électro-mécanique avec un procédé d’engrenage dans le tube, est dépassé. A mon avis, s’il existe encore un moteur ou un système de bobinage électrique dans un cadre de vélo, il est intégré dans la matière du cadre, dans le carbone qui est un composite conducteur. Il est donc invisible. Et si le système n’est pas dans le cadre, il semblerait qu’un système efficace soit installé sur la roue arrière. Un système de transmission électro- magnétique avec une sorte de bobinage électrique installé dans la boîte de pédalier.


Le télégramme : Quel est le gain estimé pour le tricheur?

Éric Boyer : Difficile à dire. Ce que je sais en revanche, c’est que les batteries ne peuvent pas durer trois heures. Imaginons qu’elles aient une autonomie de vingt minutes. Il suffit au coureur d’enclencher à bon escient le système ; dans un moment critique, quand il commence à être largué. Un petit coup de pouce, cinq watts, c’est suffisant. Vous pensez bien qu’un tricheur ne mettra jamais dix minutes à tout le monde…


Le télégramme : Comment l’UCI peut-elle lutter efficacement ?

Éric Boyer : Avant de faire du vélo, j’ai la chance d’avoir passé un BEP d’électrotechnique (rires…) Je me souviens que tout élément électrique émet une chaleur, c’est ce qu’on appelle l’effet Joule. Il suffit donc de pointer une caméra thermique sur le matériel en action pour découvrir s’il y a une chaleur inappropriée sur une roue ou sur un cadre.

Le télégramme : En matière de dopage chimique, ça a toujours été l’omerta. Selon vous, comment va réagir le peloton cette fois ?

Éric Boyer : Les premiers concernés, ce sont les coureurs et, surtout, ceux qui ne trichent pas. Jusqu’à présent, ceux-là ont toujours eu peur de dénoncer les autres, on ne veut pas être une balance dans le milieu du vélo. Ce sont désormais à eux de se manifester. J’espère qu’ils n’auront pas peur. Si de telles pratiques existent, je pense que l’on peut compter les fautifs sur les doigts des deux mains. Remarquez, c’était aussi le cas en 1998 avec l’EPO…. Aux autres, aux vrais coureurs de monter au créneau. Quand vous avez un adversaire qui triche à côté de vous dans le peloton, à un moment donné, ça se voit. Basta l’omerta !

Le télégramme : Êtes-vous inquiet pour l’avenir du cyclisme ?

Éric Boyer : Si on continue dans cette direction, je ne donne pas cher de ce sport à l’avenir. Le cyclisme est en danger de mort. Quand je vois toutes ces émissions qui ne sont pas spécialisées dans le sport, à la télé ou à la radio, qui, en évoquant ce problème, ont le petit sourire en coin en se disant que ces cyclistes sont décidément barjots… Ils se moquent de nous et on ne peut pas leur donner tort. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Je n’ai pas les mots… Allez, il faut penser à tous ceux qui ne trichent pas.

Le télégramme : Quand vous regardez le Tour de France, le Tour d’Italie, arrivez-vous encore à rêver ?

Éric Boyer : Oui, je rêve, oui je rêve. Et parfois, je tombe du lit et je me réveille…

« Le vélo en danger de mort » Eric Boyer tire la sonnette d’alarme.
Les vidéos qui posent questions sur letelegramme.fr

Éric Boyer en bref : Né le 2 décembre 1963 à Choisy-le-Roi (94).  52 ans
Coureur cycliste professionnel (Renault-Elf, Système U, Z-Peugeot, Gan) de 1985 à 1995.
Palmarès (grandes lignes) : 5e du Tour de France en 1988, 6e du Tour d’Italie en 1991, vainqueur de trois étapes sur le Tour d’Italie, 4e de l’Amstel Gold Race, 4e du Tour de Lombardie…
Manager général de l’équipe Cofidis de 2005 à 2012.
Président de l’AIGCP (Association Internationale des Groupes Cyclistes Professionnels) en 2008.
Consultant sur L’Equipe 21

Propos recueillis par Philippe Priser pour www.letelegramme.fr
Ancien coureur professionnel, ancien manager général de la formation Cofidis, consultant pour L’Equipe 21, Eric Boyer a suivi avec attention « l’affaire Van den Driessche », du nom de cette jeune Belge pincée avec un vélo à moteur lors des championnats du monde de cyclo-cross. Inquiet pour
l’avenir de son sport, il tire la sonnette d’alarme.
Batterie Cadre Engrenage Axe du pédalier Moteur Poids : de 2 à 3 kg
Autonomie : de 1 à 3 heures, 30 minutes maximum en continu
Puissance : 200 watts
Le moteur et la batterie, intégrés dans le cadre en carbone, sont télécommandés à distance ou par l’intermédiaire d’un fil. Des aimants arrière seraient intégrés à la jante de la roue Le dispositif serait commandé par le cardiofréquencemètre du cycliste Intégrés dans le cadre du vélo, les bobinages et le circuit magnétique exerceraient une force électromagnétique sur les aimants de la jante

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Publié le 10 février 2016, dans Actualités. Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.

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